Un ailleurs d'arbres en feu

Tu as rencontré le premier garçon la fois où tu as remarqué les bois au loin, derrière les maisons des voisins. Il venait de découvrir des nids d’oiseaux géants. Tu lui as avoué qu’il y a deux jours, tu avais remarqué un aigle tournoyer au dessus de ta maison. Le premier garçon était stupide et il t’a crue.
Il avait la peau très blanche à la manière du papier de soie dont on se sert pour protéger les verres en cristal. Ses yeux lui donnaient un air affamé et lascif.
Tu lui as dit oui dès qu’il t’a posé la question.
Tes vêtements ont été jetés à terre.
En les contemplant longuement, on aurait pu les confondre avec des petits cadavres d’animaux dissimulés entre les feuilles des arbres et la terre sèche.
Tu n’as rien senti sinon le silence étourdissant du ciel au-dessus du bois. Tu croyais que ton âme et ta chair allaient s’enflammer brutalement mais ce fut le contraire, elles ont disparu de la face du monde, il n’y avait que le premier garçon à tes côtés, essoufflé et transpirant. Ça t’était peut-être égal.
Tu as ramassé tes vêtements, tu as pris ton temps pour te rhabiller. Le premier garçon n’arrêtait pas de parler. En laçant tes chaussures, tu as imaginé qu’il devait y avoir sur la surface du globe une forêt en flamme, un ailleurs d’arbres en feu.

Photo : Wall Drawing d'Anne-Laure Sacriste "I lost my heart"

Comments

[Francesco Pittau]

Là, j'adore vraiment. J'aime quand on arrive à marquer les vraies émotions sans tomber dans le "forcé". La justesse de ton est comme un coup de poing tranquille. Pas trouvé mieux pour qualifier.

[Marie Chartres]

Merci... J'aime bien le "coup de poing tranquille".


Ce texte fait partie d'un ensemble qui sera normalement publié aux éditions du Chemin de Fer au printemps.