Anni Leppälä
Tu as toujours pensé qu'elle avait de gros seins, et cet énorme grain de beauté sous le bras qui te dégoûtait lorsque tu t'allongeais sur elle.
Cette bête que tu as sur le peau.
Un moucheron écrasé, ça ressemblait. Tu cherchais autour de cette tâche un peu de sang éparpillé, tu regardais sa peau mais tu ne trouvais jamais rien, c'était juste un point. Noir et disgracieux.
Lorsque tu cherchais le rouge, cela pouvait te prendre des heures. La femme aux gros seins s'impatientait toujours et te demandait : qu'est-ce que tu cherches chéri ?
Sur le côté droit du lit, tu basculais. Et tes yeux se posaient sur le plafond ridé.
Rien, tu répondais et à cet instant précis, tu n'avais qu'une envie, chialer et hurler que non, vraiment, ça n'allait pas. Tes lèvres se pinçaient et tu t'empêchais d'avouer, c'est ma mère, tu comprends.
Cette bête que tu as sur la peau.
Tu aurais été obligé de cacher ton visage entre tes mains et son petit coeur se serait alors mis à battre plus fort. Dans un élan généreux, elle aurait tenté de comprendre pourquoi, d'un coup, tu repensais à ta maman.
Cette bête que tu as sur la peau.
Tous tes rêves du début, déliés, s'en sont allés lorsque ta mère criait dans l'appartement que tu étais en trop, pauvre moucheron. Et le chien dans le logement d'à côté n'arrêtait pas de hurler à la mort. C'était la nuit et tu entendais ta mère sangloter et dire, je suis vraiment toute seule.
Tu ne pouvais que hausser les épaules lorsqu'elle s'adressait à cette personne qui se trouvait être toi.
Qu'est-ce que tu pouvais faire d'autre ? tu t'interrogeais en posant tes mains sur la femme aux gros seins.