Marcia avait une toute petite voix lorsqu’elle m’a dit qu’elle aimerait changer, comme si quelqu’un de tout seul pleurait à l’intérieur de son corps.
Une senteur au citron, ça pourrait peut-être lui plaire.
Je me demande encore à quel endroit tu habites. J’ai l’impression que tu bouges souvent, que tu avances tout le temps et que c’est pour cette raison que tu as préféré ne pas me garder avec toi.
Oui, c’est sûrement ça.
Par exemple, ce midi, au moment du déjeuner, je rêvais et j’ai pensé que tu pouvais travailler dans un cirque. Je t’ai imaginée trapéziste suspendue à un maigre filin en fer. Le public venu voir ton numéro tremblait et avait très peur de ta chute. Pour t’amuser, tu faisais mine de perdre l’équilibre, les gens poussaient des petits cris, oh, ah mais toi tu n’avais pas peur du vide. Tu te lançais ensuite dans de longs morceaux de voltige et tu restais très longtemps avec la tête en bas. Dans le mouvement de tes balanciers, quelques grains scintillants de ton maquillage s’éparpillaient dans l’air.
Lorsque je ferme les yeux, j’imagine que je suis au centre de la piste à t’attendre, je lève très haut les bras pour t’attraper. Il y a quelques flocons blancs et dorés qui se déposent ensuite sur mon visage, comme des poussières magiques que tu veux bien me distribuer. La musique est très forte, il y a beaucoup de monde mais moi, je ne vois que toi et je n’entends que tes mains qui s’accrochent d’un trapèze à l’autre.
Mine, en t’écrivant cela, je sais bien que mon imagination fait la toupie. Elle tourne et tourne et ne s’arrête jamais mais je crois que j’adore ça.
Tu es peut-être agricultrice au fin fond de la Meuse. Toute la journée, tu trais les vaches et tu portes en permanence d’affreuses bottes en caoutchouc . C’est peut-être ça aussi la vérité.