Anni Leppälä
Ta mère te prenait par la main et te conduisait vers ta chambre. Bêtise, bêtise, elle doit bien être placée quelque part répètait-t-elle. Mais tu étais sûre de toi, elle n’était rangée dans aucun endroit. Il n’y avait rien dans cette pièce qui ne puisse être renversé, rien qui ne puisse être dévoilé. Ton lit et l’armoire étaient des poids immenses, impossible de les saccager. Et les paroles de ta mère continuaient de résonner partout. Tu t’empêchais de pleurer, tu connaissais bien la vérité. Elle aurait beau la chercher, elle ne pouvait pas la trouver.
Ta mère ouvrait en grand les portes de l’armoire en criant, peut-être là. Tu mens, tu mens, elle est sûrement là. Et silencieusement, tu faisais non de la tête. Elle arrachait tes vêtements du gros ventre en bois. Par terre, la laine et le coton, le noir et le gris, et la jupe rouge vomie sur la moquette.
Ta mère ne la trouvait pas, elle s’énervait et disait : c’est impossible, tout le monde en a. C’est de ta faute si tu l’as perdue. La porte avait claqué lorsqu’elle était sortie.
Tu avais pourtant passé des jours entiers à essayer de la trouver, de la renifler, de la toucher et même à l’inventer.
Tu en était certaine.
Ton enfance n’existait pas.
Aujourd’hui encore les gens ouvrent grand la bouche quand ils voient que tu n’en as pas. C’est comme ça, tu dis, en haussant les épaules mais personne ne te croit.