Elle a obtenu sa garde pour plus d’une nuit. Elle pouvait jurer que c’était vraiment magnifique. Cette chaleur sous son visage. Elle le glissa sous l’oreiller pour dormir avec. Elle ne savait plus rien faire d’autre que de le caresser en fermant les paupières. Il fallait qu’elle y pense tout le temps et alors peut-être qu’elle pourrait encore le conserver un jour ou deux, voire un peu plus. Elle avait la gorge pleine d’eau rien que d’y penser.
Parfois elle imaginait qu’on le lui avait prêté pour mieux le lui retirer et la faire pleurer. Puis elle se disait qu’elle avait tort.
Un mercredi, elle l’a montré à ses amies en disant regardez comme il est joli. Les draps s’étaient tachés de sang lorsqu’elle l’avait déplacé de sous l’oreiller. Ses amies ont ouvert grands les yeux lorsqu’elles l’ont vu. Elles ont hurlé en voyant tout ce rouge se déverser.
Il est à moi, vous savez. Il est à moi, as-tu chuchoté lorsqu’elles se sont enfuies.
Elle a sorti un mouchoir parfumé qui portait une marque de rouge à lèvres, l’empreinte de sa propre bouche. Puis elle a emmailloté ton cœur, celui que tu avais bien voulu lui prêter, en promettant de bien s’en occuper.
Elle a éteint la lumière en cachant ton amour sous l’oreiller.
(dessin : Françoise Pétrovitch)