Non ce que tu veux, c'est préserver ton cœur. L'emballer, le protéger, l'immuniser.
La veille, il avait beaucoup neigé. Une sorte de blizzard. Et ce blanc immaculé et glacé t'avait donné cette idée de l'empaqueter. Ce cœur sang de rouge.
Dans la salle de bain, tu avais ôté tes vêtements un à un, aussi lentement que pouvait le faire ta mère. Ce jour-là, il n'y avait aucune écorchure sur ta peau, une virginité épidermique, tout était si neuf, si nouveau, presque beau. Aucune blessure, il fallait simplement préserver et garder ce bout de palpitant auquel tu croyais malgré tout. Parfois, tu croises tes bras sur lui comme on le ferait avec un enfant. Une sorte de berceuse douce heureuse. Le reste de toi, tu t'en bats mais ce cœur là est une idée fixe, une obsession.
C'est le morceau de toi que tes parents n'ont jamais tenté de toucher, c'est le morceau que va bientôt perdre ton frère.
Tu t'observes nue dans le miroir, tu caresses tes seins en t'assurant que sur la gauche, ça bat toujours. Et puis tu fouilles dans l'armoire à pharmacie où tout est blanc presque laiteux. Sparadrap, gazes que tu découpes à la mesure de ton cœur trop grand. Tu l'emmaillotes comme un nouveau né, ah non, jamais quelqu'un ne viendra y toucher. Le voilà protégé, ceinturé, dissimulé.
Ton palpitant momifié. Tu n'ouvriras son tombeau que lorsque tu l'auras décidé.
Devant une vague, une fleur, un homme, peut-être.
Tu penses qu'il y aura bien un ami, un cher ami pour s'en occuper.
Que ça existe.
Tu grifferas l'air et la terre pour le trouver.
Ce cœur ami qui te transfusera.
C'est ce que tu murmures en appliquant le pansement sur ce cœur si grand.
(Photo extraite du film "Le ruban blanc")