Un article du journal "Le Temps" sur "Les nuits d'Ismaël"
Des enfants en deuil
Sylvie Neeman
Deux romans parus récemment racontent la perte d’une maman, mais c’est là la seule chose qui les lie
Réalisateurs: Rolande Causse
Titre: La Voix du vent
Illustrations de Georges Lemoine
Studio: Gallimard Jeunesse/Giboulées.
Dès 12 ans
Sonia a 13 ans, et c’est elle qui raconte: la mort de sa mère après de longs mois de maladie, l’immense désarroi qui les lie désormais, son père et elle, et l’arrivée de sa grand-mère, si dure, si insensible, qui pourtant parvient à tenir à bout de bras la petite famille à la dérive. Mais aussi les visites réitérées à une psy – d’abord détestée comme il se doit – l’arrivée en classe d’une nouvelle élève «presque orpheline» puisque débarquée d’Abidjan sans père ni mère et, le temps passant, la découverte du sentiment amoureux, l’autonomie, la vie aimée à nouveau.
D’un classicisme rigoureux, tant dans le mode de narration que dans la langue elle-même, ce récit en demi-teintes – peut-être celles que Georges Lemoine a utilisées pour ses illustrations délicates? – déroule avec sagesse son ample cortège de sentiments et d’émotions.
Réalisateurs: Marie Chartres
Titre: Les Nuits d’Ismaël
L’Ecole des loisirs/Neuf. Dès 10 ans VVVVV
La mélancolie: c’est ainsi que, dans la famille, on appelle la maladie de la mère d’Ismaël. Cette femme qui était joyeuse et énergique passe à présent ses journées à regarder dans le vide et à pleurer. Jusqu’au matin dramatique où elle est retrouvée morte dans son lit.
Exposée ainsi, l’histoire semble insoutenable. Mais toute la beauté de l’écriture de Marie Chartres est précisément dans sa façon d’aborder les choses: elle les entoure d’une aura de mystère, d’imaginaire, elle ne les affronte pas directement – et ainsi n’oblige jamais l’enfant lecteur à le faire – mais se concentre sur les petits événements qui font le quotidien d’Ismaël. Et en particulier sur cette énigme: Ismaël est persuadé de voler, de posséder une cape aux pouvoirs surnaturels, puisque chaque nuit il s’endort dans son lit, et chaque matin se réveille dans celui de sa maman.
Lorsque le garçon aura adopté un chiot et investi l’animal de toute l’affection possible, et lorsqu’il sera tenté d’aller le chercher, le soir, dans son panier, il comprendra qu’il n’y avait pas de magie dans ses nuits, mais juste l’immense détresse d’une mère.
L’écriture reste légère, la tristesse est là, absolue et partagée, mais elle ne prend pas le lecteur en otage.
C’est bien d’avoir donné vie à ce petit Ismaël si touchant, bouleversant même, dans son désir de comprendre et sa façon de se tenir en équilibre, encore un peu, sur la crête des perceptions enfantines.