Te revient.
Le jour où tu as porté ta jupe courte rouge, un garçon t’a embrassé pour la première fois. Son corps ressemblait à un tronc d’arbre mort et pourri mais l’intérieur de sa bouche te faisait penser à un amandier. Après le baiser, tu as tremblé toute la soirée jusque dans ton lit.
Te revient.
Le chemisier en soie orange que portait ta mère tous les mercredi s’est défraîchi, la couleur est partie peu à peu, tu l’imaginais fuyant dans les égouts de ton quartier, un peu d’oranger s’en allant parmi les eaux usées. Ta mère t’expliquait que son habit avait « passé ».
Te revient.
Ton père, lors d’un jeudi blanc et froid, avait passé lui aussi, il avait fichu le camp. Il n’a pas conservé son trousseau de clés, il est parti comme on partirait en week-end, léger et heureux. Tu as gardé son porte-clés pour l’enterrer au fond du jardin entre les fleurs jaunes et blanches que ta mère avait plantées au printemps dernier.
Te revient.
Les trois couleurs de ton adolescence sont le rouge, le orange et le blanc.